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Saturday, February 25, 2012

Verlan et back-slangs autour du monde

Le Verlan est un jeu linguistique pratiqué en français depuis plusieurs siècles. Des traitements comparables au verlan sont attestés dans bien d'autres langues (le phénomène est appelé en anglais "back slang"), telles que : dans une langue tonale d’Afrique Équatoriale, pratiqué par les hommes lors de rites initiatiques : inversant les syllabes mais pas les tons du mot ; dans l’argot du hongrois ; en espagnol d'Argentine (et pas seulement) mais aussi ; en tagalog (le binaliktad) ; en portugais du Brésil ; en grec moderne (considéré comme fort vulgaire je n’ai pratiquement jamais réussi à tirer un seul exemple de locuteurs natifs de grec… et ce n’est pas faute de le leur avoir demandé) ; en serbo-croate (le šatrovački) ; en shelta (Irlande) ; et même en chinois et en japonais !

Le verlan constitue une forme langagière courante, notamment en français, celle du jeu de mot, ou du langage secret. En français, même s’ils sont un peu tombés aux oubliettes (mais quelques mots sont restés), on peut parler du “javanais” qui constitue à intercaler -av- ou -va- entre les lettres d’un même mot (ex: le cavu = le cul, phonétiquement “cu” donc “c-av-u”). Ou encore de la “langue de feu” où l’on rajoute après chaque syllabe une syllabe commençant par f- et finissant par la même voyelle que la syllabe précédente (ex: safalufu safa vafa = salut ça va) [NB: ce phénomène existe aussi en argot argentin]. Etc. Nombreux, bien nombreux sont les jargons et autres parlers créés de toute pièce, que ce soit pour le jeu ou pour coder son langage.


Français : le Verlan

Définition et historique
Verlan, provient de «(à) l’envers» > [lãvεR] > (coupe syllabique) lã / vεR > vεR / lã (par inversion des syllabes).

Jeu linguistique couramment pratiqué actuellement par les jeunes locuteurs français, mais remontant à l’origine au XII° siècle (Lefkowitz, 1991, pp 50-54), et consistant à inverser les syllabes d’un même mot. Ce parler est à la base une sorte de “langue secrète” (voir aussi le jargon des malfaiteurs ou le jargon homosexuel de François Villon au XIV° siècle), destinée à rendre le message uniquement compréhensible d’un groupe de personnes réduit. Le “verlan” fut très en vogue à partir des années 80. Il y fut brillamment illustré par le chanteur Renaud reprenant comme titre d’une chanson le célèbre “laisse béton” (= laisse tomber, n’y pense plus). Dans une interview, à la question “Monsieur les Président, est-ce que vous êtes chébran?” (= branché, à la mode) François Mitterrand avoua avoir également pratiqué ces petits jeux linguistiques dans sa jeunesse. A l’heure actuelle, le “verlan” s’est relativement démocratisé, notamment auprès des jeunes des banlieues. La culture rap en étant un excellent moteur de propagation, par exemple le groupe NTM qui chante “Pass pass le oinj” (=joint). Le film “La Haine” de Matthieu Kassovitz est incompréhensible pour une personne n’ayant pas reçu préalablement une initiation au verlan ! 

Ce langage est donc avant tout un jeu. Il ne constitue aucunement un moyen exclusif de communication, car comprendre une phrase entière en verlan, voire un récit, demeure extrêmement difficile. Toutefois, mêler à un discours quelques mots de verlan devient de plus en plus fréquent chez les moins de trente ans. Au dessus de cet âge, étrangement, le verlan ne sonne pas juste, comme si les personnes ne savaient pas bien le parler (mon père par exemple, lorsqu’il me dit des mots de verlan pour faire plus jeune, j’ai envie de me foutre de sa gueule parce qu’on dirait qu’il a un accent, c’est très étrange mais c’est vrai et pas uniquement chez mon père...). De plus, et cela a beaucoup contribué à sa propagation, le verlan a la faculté de coder un discours, permettant d’éviter que certains mots ou expressions soient compris d’un locuteur normal. De ce fait, il peut parfois en résulter une transformation plus complexe que la logique.

Jeux langagiers
Avant d’en venir vraiment au verlan, je tiens à parler d’une autre manie française à changer la terminaison des mots. Cela constitue encore une source importante de mots pour l’argot. Dans ce cas là, bien peu de règles de formation existent, c’est complètement aléatoire.

Exemples: fastoche = facile ; gratis, gratos = gratuit ; à l'hosto = à l'hôpital ; cinoche = cinéma ; un bon-bec = un bonbon ; le calebute = le caleçon ; le matos = le matériel ; le larfeuille = le portefeuille ; le plastoc (réduit à toc dans l’expression “c’est du toc!”) = le plastique ; la piquouse = la piqûre ; la belle-doche = la belle-mère ; le chichon = le haschisch ; le chômedu = le chômage ; une malback = une cigarette de marque Marlboro (!!!), etc.

Enfin, je ne commencerais pas sans évoquer également, l’existence de verbes non conjugués et invariables (mais attention c’est très vulgaire). Ces verbes sont généralement empruntés à la langue tsigane (appelée aussi gitan) et se caractérisent pas leur terminaison en -ave (parfois l’infinitif -aver ou une terminaison conjuguée -avait, -avé sont entendues).

Exemple : pillave = boire ; bédave = fumer ; bouillave = niquer, baiser ; dicave = regarder ; poucave = balancer, c’est à dire, aller dénoncer quelqu’un aux flics ; graillave = manger, balnave = mentir, etc... (Exemple d’usage : “Putain hier soir on a pillave comme des oufs !” > on a bu comme des fous ; “Ce mec-là il t’a poucave” > il t’a balancé aux flics ; “dicave!” > regarde !). Mais cela n’est pas très courant, on l’entend souvent chez les jeunes des banlieues. Personnellement j’utilise souvent “graillave”, “bédave” et “pillave”.

Règles de formation du verlan
Voilà, à présent on peut se concentrer uniquement sur le verlan. Il a quelques sites sur internet qui en parlent. Mais, on sent souvent qu’ils ne sont pas fait par des gens qui le pratiquent naturellement (ce que je disais de mon père); comme lorsque c’est des anglais qui ont fait un Erasmus en France et qui ont appris une dizaine de mots, laissez-moi rire !!! Voici donc une étude un peu plus poussée sur la formation du verlan. (J’ai eu un cours là-dessus à la fac en plus...)

Avant de commencer, il faut considérer les mots comme phonétiques, le verlan possède des règles de formation strictes mais à l’écrit il n’en possède aucune donc je l’écrirai phonétiquement, selon la manière qui me semble la plus correcte à la lecture. Considérer donc le mot de base (je dirais “le mot normal”) comme ce qu’il est phonétiquement, sans tenir compte de l’orthographe. Une lettre qui ne se prononce pas n’existe pas.

1. En règle générale le verlan consiste à inverser les syllabes d’un mot. C’est à dire, pour le modèle le plus simple, avec des mots de deux syllabes : faire passer la dernière syllabe devant la première. Attention on opère à partir de la dernière syllabe, dans la logique du verlan, seule la dernière syllabe change de place : français > çaifran, métro > tromé, bizarre > zarbi, blouson > zonblou, méchant > chanmé, bouton > tombou, briquet > kébri, voiture > turvoi, personne > sonnepère, branché > chébran, maison > zonmé, tomber > béton, musique > zikmu, argent > janhar, (amé)ricain > cainri, crevard > varcreu, travail > vailtra, cité > téci etc.  
*Choper (attraper) > pécho (signifie “acheter du haschisch” ex: “Je vais pécho, tu veux m’en prendre un bout?” ou bien, dans l’expression “Il s’est fait pécho par les flics” lorsqu’on se fait arrêter) 
*Paris > Ripa (que je me plairais à écrire Ripas, juste pour garder le -s final originel !)
*Savate (chaussure) > vatsa (frapper avec les pieds)  

2. Jusque là, rien de très difficile. Passons maintenant à des mots d’une ou de deux syllabes terminés par un -e muet. Même opération, la dernière syllabe passe devant. En raison du -e muet, une nouvelle syllabe va apparaître (ben en fait, le -e il n’est pas écrit, on devrait pas le considérer comme pour musique > zikmu mais voici un cas où ça ne se passe pas comme ça !). Le -e muet final est donc considéré comme existant (c’est signe que même non prononcé, on y tient beaucoup à ce -s final !) : Chorges (c’était mon village) > Gechor (on disait ça avec une copine !) ; Grenoble > Noblegre (trois syllabes, mais entre grenoblois on dit tout simplement Gre)  

3. Toujours pour les mots d’une seule syllabe, voyons le cas d’autres mots terminés avec un -e muet. Une nouvelle syllabe est également crée au moyen de ce -e, mais le fait de fait passer cette syllabe devant peut aussi entraîner la chute de la voyelle qui se retrouve à présent à la fin... (je sais c’est compliqué mais ce n’est pas systématique, ce n’est en fait qu’une variante) : Bite > teubi > teub ; Femme > meufa > meuf ; Fête > teufé > teuf ; Herbe > heuhèr (souvent réduit à beuh, mais cela se rapporte à la Marijuana); Louche (étrange, bizarre) > chelou ; Douche > cheudou ; Arbre > breuhar (évidemment on peut aller très loin...!).  

4. Les autres mots d’une seule syllabe connaissent d’autres types de transformation. S’ils se terminent en consonne, on considère qu’en fait ils se terminent en -e muet et l’on opère une inversion syllabique, comme dans le cas n°3. Une chute de la voyelle se retrouvant à la fin peut survenir. Flic > keufli > keuf ; Shit (haschisch) > teuchi > teuch > teuteu ou teuh ; Jeter > tèj (“se faire tèj” ça veut dire “se faire plaquer” ou bien encore, “se faire engueuler”); Sac (dans l’expression dix sacs [100 F] > keusa > keus ; À côté > à téco > à tek ; Père > reupé > reup ; Mère > reumé > reum ; Sœur > reus ; Salut > lussa > luss ; Discret > skrédi > skred (en skred = discrètement); Lourd (pesant mais aussi emmerdant) > relou ; Écouter > tékou > tek ; SIDA > das ; Gap (la ville où j’étais au lycée) > Peuga.  

5. Pour les mots d’une seule syllabe terminés par une voyelle ou plutôt un son vocalique, l’inversion se fait alors au cœur de la syllabe. On ne sait où ajouter un -e pour faciliter l’inversion, donc on opère l’inversion avec ce qu’on a. En gros, pour un mot oralement prononcé C+V, on fait passé la voyelle devant = V+C (je le répète, considérons l’oral uniquement, seul le -e muet est exclu de cette règle): Cul > uc ; Joint > oinj ; Pain > ainp ; Chien > iench ; Chat > ach ; Quoi > wak, oik ; les seins > les eins ; Chaud > auch ; à poil > à oilpé (avec ajout d’un -é final).  

6. Pour les mots de plus de deux syllabes. L’inversion des syllabes se fait normalement. Aucune peur à avoir donc. Quoique, il existe quand même quelques exceptions. Basiquement, la dernière syllabe passe devant les autres. Toutefois, il est moins fréquent d’entendre prononcer en verlan des mots de plus de deux syllabes. Le français étant une langue majoritairement mono ou dissyllabique, cela se comprend relativement. Voyons donc quelques exemples, suivis de cas particuliers : 
*Oiseau (ou les oiseaux) > zozio (considérant la liaison entre l’article et le mot et étrangement, le son “oi” n’est pas conservé, on y a inversé les lettres “oi” [wa] > “io” [jo] !!!) ; 
*Le nez > le zen... Rien de relatif à la philosophie zen du Japon sinon tout simplement une inversion de toutes les lettres du mot, y compris le Z non prononcé. De la même façon, il arrive aussi d’entendre le luc pour le cul. 
*N’importe quoi > portnawak (“quoi” est en verlan indépendamment (wak), et “n’importe” devient "port’nin" mais le son -in devient -a-, affaibli par une position finale. On trouve également la forme “n’importe nawak”, reconstruite sur le mot d’origine !!! C’est unique en verlan ! 
*En argot “regarder” peut se dire “mater” (ce mot se réfère souvent au fait de regarder quelque chose de bien précis mater les beaux mecs dans la rue, mater un film porno, se mater un bon film, mais généralement c’est observer les gens mignons qui passent dans la rue). Mater > téma. Qui devient une expression invariable et qui ne se conjugue pas, “téma !” 
*Business > nezbi (<prononciation familière bizness) ; ou chewing-gum > gomechoui(m) (<prononciation familière chouimgome). 
*Rendez-vous > déranvous ou vourdé (rendez-vous est inversé soit en dé-ran-vou soit en vou-r[an]-dé) ou encore, rouv (verlan de vourdé avec chute de la syllabe dé). Il est peut-être plus simple de dire RDV !-Énervé > vénère (le é- initial tombe lors de l’inversion des syllabes) 
*Arabe > beur (alors c’est pas évident. “arabe” donnerait logiquement *beu-ara mais s’il existe une voyelle initiale, elle doit être ôtée pour pouvoir permettre l’inversion syllabique : on obtient donc *beura (ce mot toutefois n’existe pas, comme l’indique le *). Après chute de la voyelle finale, il reste beur. Mais... un Beur (et le mot est dans le dictionnaire), ce n’est pas exactement un “Arabe”, c’est un fils d’immigrés maghrébins né en France. Le sens est donc différent... Mais (et il y en a encore un, j’avais dit que c’était compliqué), le mot Beur étant rentré dans le dictionnaire, l’essence même du verlan était perdue, puisque cela doit rester difficile à comprendre et ne pas appartenir à la langue standard. Donc, selon, les règles citées en 4, le mot Beur devient en verlan rebeu. Un rebeu donc, c’est du verlan d’un mot déjà au verlan. Mais pourquoi ça redevient pas le mot normal alors? Et bien voilà toute la magie du verlan. On ne se limite pas uniquement à inverser les syllabes... 
*Pour en rester au “verlan de verlan”, cela s’appelle le “veul” et cela devient de plus en plus en vogue, vu que nombre de gens “normaux” comprennent maintenant certains mots de verlan . Donc on codifie encore. Exemple : femme > meuf > (veul) feumeu. 
*On note également une extension du verlan vers des mots empruntés à d’autres langues (et utilisés d’ailleurs qu’en verlan). Le terme babtou désignant un français standard (on dit aussi bab), vient de l’arabe toubib (médecin): c’est le nom que les africains nous donnent sous la forme de toubab. D’autres cas sont à recenser : djig verlan de gadji (fille), mot d’origine tsigane ; kesmo = fumer (verlan de l’anglais smoke) ou keul = regarde (verlan de l’anglais look) ; barka = pute (verlan de l’arabe rhabka). 


Espagnol : “Alvere” ou “Vesre” d’Argentine
La variété d’espagnol (ou de castillan) d’Argentine a ses particularités. Tous les hispanophones ont déjà entendu les savoureuses nuances de l’accent argentin, avec ses ch [∫] au lieu des ll et des y [ʎ] ou [j], son accent tonique parfois différent de celui de l’espagnol standard etc... Mais il est une caractéristique, un argot spécial, appelé le lunfardo. Son nom provient peut-être de l’italien lombardo (la population argentine fut nettement marquée par l’immigration italienne). Cet argot, originaire de Buenos Aires mais aujourd’hui étendu à tout le pays, possède un petit jeu linguistique appelé alvere ou vesre qui a exactement les mêmes caractéristiques que notre verlan. En effet, son principe est identique : inverser les syllabes d’un mot. Quelques fois, de petits changements sont opérés mais en règle générale, il est plus régulier que le verlan.

Le lunfardo serait encore utilisé couramment en Argentine. Cette pratique remonterait à loin car il semble que de nombreuses personnes âgées en soient de fervents adeptes. Noter que alvere ou vesre sont le verlan de al revés (= à l’envers, remarquez que le -s final se prononce pas en argentin). Ce genre de jeux existe également dans d’autres pays d’Amérique Latine : revesina au Panama, caroleno et malespín au Mexique et Amérique Centrale, vesre au Pérou, Colombie, Argentine et Uruguay.

Voir aussi l’article de Wikipédia (en espagnol) qui présente une importante liste de mots.


Des verlans dans d'autres langues ?
Comme je l’ai dit plus haut, le verlan, ou ce qu’on appelle en anglais les back-slangs, sont un phénomène courant dans l’argot de langues du monde entier. Certes, l’espagnol et le français sont des langues fort apparentées, mais quel rapport a-t-il pu y avoir entre France et Argentine – sinon aucun – pour que les deux pays connaissent ce genre de jeu... À priori, ce n’est que pur hasard et je réfuterais volontiers toute théorie visant à prouver que ce soient des français qui aient passé la coutume en Argentine, ou le contraire. Car justement, la preuve en est qu’après m’être étonné de voir que d’autres langues pratiquaient cela, je me suis rendu compte que le français n’avait dans le fond, rien de bien original en cela... parce que des verlans, j’en ai trouvé au quatre coins du globe, et je suis certain d’avoir encore un bien grand nombre à découvrir. Voici donc un petit aperçu de quelques verlans étrangers, en commençant par ma toute dernière trouvaille, en japonais...  


Japonais
L’argot tokyoïte compte parmi d’autres traits spécifiques, l’utilisation d’un “verlan” existant tant pour des mots simples que pour des mots dérivés tels que des verbes :
* yoroshiku (je compte sur toi) > shikuyoro
* umai (délicieux) > maiu
* kore wa nani? (qu’est-ce que c’est?) > nani kore?
* kimi no choko wo tabeta (j’ai mangé tes chocolats) > tabeta, kimi no choko
* sangurasu (< anglais “sunglasses”, lunettes de soleil) > gurasan
* manajā (manager) > jāmana


Tagalog : Binaliktad
Un argot de caractéristiques similaires à notre verlan existe aux Philippines sous le nom de “binaliktad” (signifiant “à l’envers”) dont voici quelques exemples :
* pater (père) > erpat
* mater (mère) > ermat
* pinsan (cousin) > sampits
* sigarilyo (cigarette) > yosi
* dito (ici) > todits
* puwet (cul) > wetpu
* hinde (non, ne pas) > dehins
Quelques variations se rencontrent avec l’inversion syllabique, telles que l’ajout d’un -s ou la perte de sons.


Grec moderne : Ποδανά (Podaná)
Au grand dam de mon esprit encyclopédiste, faisant fi de la vulgarité, surtout si je travaille sur des thèmes linguistiques, j’aurais aimé pouvoir vous donner des exemples d’un argot de type “verlan” qui existe en Grèce. Si j’ai réussi à obtenir la confirmation de l’existence de cet argot, je n’ai jamais obtenu d’aucun grec natif le moindre exemple. En guise d’excuse, ils m’ont toujours dit que seuls des gros mots étaient inversés de la sorte... Bref, si des grecs qui connaissent cet argot veulent bien m’envoyer une meilleure liste d’exemples, je me ferais un plaisir de l’afficher sur cette page.

Les seules informations que j’aie pu trouver son, que cet argot est très vulgaire, qu’il répond au nom de ποδανά ("podaná"), lui-même provenant de l’inversion du mot ανάποδα ("anápoda") signifiant “à l’envers, en sens inverse”. On remarque que, comme en français, un mot de trois syllabes fait passer la dernière syllabe en première position. Fait intéressant, dans ce mot, la syllabe inversée conserve son accent tonique.J’ai hasardeusement trouvé sur la toile un autre exemple, dont je ne connais malheureusement pas la traduction puisque je l’ai pêché sur une page entièrement en grec sans avoir un niveau en langue hellénique qui me permette d’en tirer plus d’informations (help!) :- πέσιμο ("pésimo") > σιμοπέ ("simopé")


Hongrois : Verzin
Il existe en langue magyare un argot identique au verlan qui consiste à inverser les syllabes du mot du nom de “verzin” (j’ignore l’étymologie de ce mot), dont le seul exemple que je connais à l’heure actuelle est le suivant :
* hátra (à l’envers) > rahát


Serbo-croate : Šatrovački / Шатровачки
Le “Šatrovački” (en cyrillique, “Шатровачки”) du serbo-croate et du macédonien est similaire à notre verlan, et s’utilise pratiquement dans toute l’ex Yougoslavie.

Voici quelques exemples :
* brate (frère) > tebra
* fudbal (football) > balfud
* kaži (il dit) > žika
* kreten (crétin) > tenkre
* malo (un peu) > loma
* murija (flic, police) > rijamu
* pasulj (haricot) > suljpa
* pazi (fais attention) > zipa
* psiho (psycho) > hopsi
* pivo (bière) > vopi
* Sarajevo > Rajvosa
* smrdi (ça pue) > dismr
* šupak (trouduc, insulte) > pakšu
* zdravo (salut) > vozdra

Cas particuliers avec inversion sur l’accusatif féminin en -u et non le nominatif en -a :
* glava (tête, Acc. glavu) > vugla
* sprava (outil, ici “joint” Acc. Spravu) > vuspra
* trava (beuh, Acc. travu) > vutra
Cf. l'article de Wikipédia (en anglais ou serbo-croate).  


Chinois
J'ai récemment découvert un cas de verlan en Chinois (Mandarin), dans le nom de la ville de Shanghaï (上海 Shànghǎi). Celui-ci est en effet, poétiquement changé en 海上 Hǎishàng. 


Vietnamien : Nói-lái
La langue vietnamienne connaît un argot particulier dont ceux qui le pratiquent sont considérés comme très doués. Ce jeu linguistique appelé le “nói-lái” consiste à intervertir les tons respectifs de deux mots ainsi que leur ordre dans l’énoncé ou bien, leurs premières et dernières consonnes. La paire de mots ainsi obtenue conserve donc les tons originaux. Voici quelques exemples pour éclaircir les choses :
* đái dầm ([l’enfant] mouille son pantalon) > dấm đài (pas de sens)
* chửa hoang (enceinte hors du mariage) > hoảng chưa (n’as-tu pas peur?)
* bầy tôi (tous les sujets du roi) > bồi tây (serveur français)
* bí mật (secrets) > bật mí (revéler des secrets)

Les deux premiers exemples intervertissent l’ordre des mots et les tons. Le troisième change les consonnes initiales et la rime ainsi que les tons, et le dernier seulement les consonnes initiales et la rime. Parfois le résultat obtenu signifie autre chose ou rien de particulier, d’où le côté demandant une certaine pratique pour pouvoir déchiffrer ce qui est dit. Il semble clair que ce procédé, non exempt d’effet humoristique est à l’origine motivé par un désir de masquer ce qui est dit, comme peuvent le faire des parents ne voulant pas que leurs enfants ne les comprennent ou bien le contraire, comme dans le cas suivant. Ce même procédé peut également être utilisé pour former un langage secret, en utilisant des syllabes dépourvues de sens pour procéder à une inversion (ici par exemple, “la” ou “chim”) :
* phở (soupe de nouilles au boeuf ou poulet) > *la phở > lơ phả
* ăn (manger) > *la ăn > lăn a
* hoàn cảnh (environnement) > *la hoàn la cảnh > loan hà lanh cả
* hoàn cảnh > *chim hoàn chim cảnh > choan hìm chanh kỉm


Suédois
J’ai rencontré un mot d’argot suédois qui suit les règles de formation du verlan, sans en avoir trouvé d’autres traces : le verbe “fika” signifiant, “faire une pause café” est une inversion du mot “kaffi” signifiant justement “café”.


Portugais du Brésil : Gualin
Le portugais brésilien en usage à Rio de Janeiro et São Paulo possède un argot appelé “gualin” dont le nom même est une inversion de “língua” (langue). Si ses règles de formation sont principalement basées sur une inversion des syllabes, les -s des pluriels et les -r des infinitifs tombent.
* você fala gualin (tu parles gualin ?) > cevô lafá gualin ?


Irlandais : le Gammon des Sheltas
Les Sheltas sont des nomades établis en Irlande qui usent encore semble-t-il de la langue gaélique, mais dont le dialecte possède quelques traits bien particuliers, notamment une forme d’inversion syllabique comparable à notre verlan appelée “gammon” au milieu d’une syntaxe proche de celle de l’anglais.
* cailín (fille) > laicín
* doras (porte) > rodas
* mac (fils) > kam


Anglais : Back-slang
La langue anglaise a pratiqué une sorte de verlan depuis l’époque victorienne comme étant une sorte d’argot secret. Ses principes reposent plus sur l’inversion de toutes les lettres du mot (voire de la prononciation de lettres) que de celles de syllabes.

En voici quelques exemples :
* bastard (bâtard) > dratsab
* boy (garçon) > yob, yobbo
* cabbage (chou) > edgabac
* cold (froid) > delok
* come in (entrer) > emok nye
* coming up > eemoking pew
* donkey (âne) > jerknod, yeknod
* drunk (bourré) > kenurd
* fuck off > kaycuff foe
* girl (fille) > elrig
* give (donner) > eevig
* good one (le bon) > doog eno
* have a look (jeter un coup d’oeil) > eevach a kool
* knife (couteau) > eefink
* look (regarder) > cool
* money (argent) > yennom
* neighbor (voisin) > texan rude(r) nam (= next-door man)
* new (nouveau) > wen
* old cow (vieille vache) > delo woc
* old maid (vieille dame) > delo diam
* old man (vieil homme) > deelo nam
* police > esclop, eslop
* policeman (policier) > namesclop
* pot o’ beer (pot de bière) > top o’ reeb
* pound (livre) > dunop (plur. doonups)
* table (table) > elbat- woman (femme) > nammo, namoh, namow, nemmo
* yes (oui) > say, see

Voici enfin les noms de nombres : 1 eno, 2 owt/oat, 3 earth/erth, 4 roaf/rouf, 5 evif, 6 exxes, 7 neves, 8 tee-aitch, 9 eenin, 10 net, 11 nevele?, 12 evlenet, 13 neetrith.


Zlang, 2004-2012

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