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Saturday, February 25, 2012

Albanais : dialectes et origines

Pourquoi une page sur la langue albanaise ?

Je dois avant tout commencer par répondre à cette question. Je n’ai aucune origine albanaise dans ma famille, je n’ai jamais étudié cette langue à l’université (si j’avais pu, je l’aurais fait cela dit), je ne parle donc pas cette langue et suis incapable de la comprendre. Mais alors me dira-t-on, pourquoi et comment, créer une page qui traite de l’albanais dans ce cas ? Je répondrais que malgré tout, je connais beaucoup de choses sur cette langue. Je connais quelques mots, j’ai étudié sa grammaire, son histoire, ses différentes variétés, feuilletant tous les livres que je pouvais trouver sur elle : même si juste quelques brèves ligne en parlent, je les lirais. Je suis fasciné par cette langue. Son côté un peu mystérieux quant à ses origines (dont on sait qu’elle est une langue indo-européenne, tout en étant un isolat au sein de cette famille). On l’a longtemps considérée en tant que descendant direct de l’Illyrien. Mais cette langue relativement hypothétique s’avère avoir été bien souvent considérée à tort et les recherches les plus récentes, notamment de B. Sergent, la rattachent à un substrat balkanique appelé daco-thrace. Celui-ci rapprocherait l’albanais de l’arménien (un autre isolat dont je reparlerai). De nombreux éléments issu du substrat dace en roumain (langue romane pourtant), laissent croire à une ancienne population (et différente des soi-disant Illyriens) établie au centre des Balkans, dont serait directement issu l’albanais.


L’Albanais est donc une langue unique. Certes, ayant subi de fortes influences, à la fois grecques, romaines ou slaves, elle partage de nombreuses choses avec d’autres langues indo-européennes. Mais dans sa morphologie et sa forme générale, elle est unique. Je viens de dire que la langue qui s’en rapprochait le plus était l’arménien. Toutefois, on ne peut pas considérer ces deux langues comme étant directement dérivées d’un même ancêtre commun comme peuvent l’être par exemple, aussi éloignées que soient ces deux aires linguistiques, le catalan et le roumain, descendant du latin. La séparation de l’albanais remonte à une époque bien plus reculée. Il est à ce sujet un autre aspect qui me passionne en albanais. Il est généralement de règle qu’une langue isolée et de souche très ancienne soit plus conservatrices que les autres, tout en possédant des traits spécifiques étonnants. C’est le cas par exemple de l’ossète, très différent des langues iraniennes, mais en même temps, beaucoup plus conservateur. Dans le même genre, on peut citer les cas du sarde, de l’islandais, des langues baltes, de l’arménien, du hongrois, du basque... Or, l’albanais ne rentre pas dans ce cas : c’est une langue qui est extrêmement innovatrice et surtout moderne. Certes, il y existe plusieurs archaïsmes, mais de manière générale, c’est l’impression qu’elle me laisse.


Tout cela rend pour moi cette langue extrêmement intéressante, tout en me donnant envie de la connaître mieux. Je n’irai probablement pas m’installer vivre en Albanie pour l’apprendre en revanche, il me plairait de me préparer pour un petit voyage linguistique du côté de Tirana. Mes oreilles en seraient plus qu’enchantées. Parce que je suis un peu amoureux de cette langue (c’est étrange, mais je ne l’ai même jamais entendue parler qu’à la télé), pour je ne sais quelles raisons, mais existe-t-il des raisons à l’amour ? Parce que je suis aussi attiré par ses spécificités et son côté à la fois mystérieux et moderne, j’ai choisi de consacrer une partie de mon temps à élaborer ce petit condensé de mes recherches sur l’albanais (il s’agrandira lui aussi !). Et puis je me dis que cela constituait aussi un moyen de parler d’un sujet dont on n’entend il faut le dire, bien peu souvent parler dans la vie courante.


Répartition des Albanais
La langue albanaise demeure un des isolats les plus célèbre des langues indo-européennes. Parlé de nos jours par environ six millions de locuteurs, répartis majoritairement sur le territoire de l’Albanie (en albanais, Shqipëri). Cependant, on dénombre aussi des populations albanophones dans les autres pays des Balkans. En Yougoslavie tout d’abord, sur le territoire du Kosovo (Kosovë), en Macédoine (Maqedoni) et au Monténégro (Mali i Zi), où les Albanais sont tristement célèbres à cause des récents conflits ethniques. Plusieurs populations éparses sont également établies en Grèce (Greqi) et en Italie du Sud, appelés respectivement αρβανίτικα et arbëresh (arbënesh en Croatie), mais aussi en Bulgarie et en Ukraine. Ces derniers étant issus des populations conquises par l’Empire Ottoman qui, refusant de se convertir à l’Islam, traversèrent la mer Adriatique pour former de petits villages dispersés. Enfin plus récemment, de nombreux albanais et kosovar ont également migré en Europe Occidentale (en Italie principalement).

L’Albanie (Shqipëria, «le Pays des Aigles») se situe dans les Balkans, bordant la Mer Adriatique en majeure partie, mais dont le Sud baigne dans la Mer Ionienne. L’Albanie compte environ 3 500 000 habitants et sa capitale est Tirana (Tiranë), au centre du pays. Sa superficie est de 28 748 Km². Sa langue officielle est l’albanais, mais le pays compte plusieurs petites communautés de grecs et d’aroumains. La religion dominante est l’Islam (70%), mais on compte 20% d’Orthodoxes et 10% de Catholiques.

Le Kosovo (Kosovë, de Kosovo Polje, «Champ des Merles») jouxte la frontière Nord-est de l’Albanie. C’est une région autonome de la République de Serbie de 10 887 Km², peuplée d’environ 2 188 000 habitants (dont 82% de Kosovars albanophones). La capitale est Priština (Prishtinë). Ses langues officielles sont le serbe et depuis peu, l’albanais.

Le Monténégro (de Crna Gora, en albanais Mali i Zi, «la Montagne Noire») est une petite république rattachée à la Fédération de Serbie de 13 812 Km² pour 647 000 habitants dont une minorité albanaise (6,6% de la population). Sa capitale est Podgorica.

La Macédoine ou FYROM (Former Yugoslavian Republic of Macedonia), est une république indépendante née de l’éclatement de la Yougoslavie, d’une superficie de 25 713 Km² pour 2 025 000 habitants. Sa capitale s’appelle Skopje. Une forte minorité albanaise vit en Macédoine, représentant 22,5% de la population (peut-être plus). Sa langue officielle toutefois, est le macédonien.

La Grèce, n’est peut-être pas à présenter en détail, si ce n’est préciser que plusieurs minorités albanaises y sont établies, sans qu’on ne possède vraiment de chiffres à propos de leur nombre (on sait qu’ils étaient 23 000 en 1951). Nous n’avons pu trouver non plus de donner numériques sur les autres communautés albanaises.


Dialectes

Carte des dialectes de l'albanais (PDF)

En Albanie, la langue se subdivise en deux aires dialectales : le geg (gegërishtja) au Nord, et le tosk (toskërishtja) au Sud. C’est cette dernière variété sur laquelle la langue officielle s’est formée depuis 1945 («Njisia e gjuhës âsht njisia e kombit» L’unité de la langue est l’unité du peuple [A. Xhuvani]). Ces deux variétés se distinguent par quelques différences notables sur le plan phonologique. Albanie se dit Shqipëria en tosk mais Shqipnija en geg.

Des différences d’ordre lexical et morphologique existent aussi mais l’intercompréhension est possible. Le Tosk demeure plus innovateur que le Geg. Les dialectes parlés en Grèce et en Italie possèdent leurs caractéristiques propres et sont relativement diversifiés du fait même de leur éparpillement. Ils se classent toutefois, plutôt dans l’une ou l’autre de ces deux variétés, tout comme les variétés parlées au Kosovo et en Macédoine. Ne bénéficiant d’aucun statut local particulier, ceux-ci déjà réduits uniquement aux cadres familiaux et religieux se voient considérablement en déclin ces dernières années.

Le Geg et le Tosk se seraient séparés entre les V° et IX° siècles. Cette distinction est certainement due aussi au fait que le Geg était parlé originellement par des Catholiques, alors que le Tosk, par des Orthodoxes. Sur le territoire albanais, c’est sur le fleuve Shkumbini (traversant le pays d’Est en Ouest) que se situe leur frontière dialectale.

Les différents dialectes de l’Albanais peuvent être classés comme suit :
* Geg du Nord-ouest - Région de Shkodër et bande frontalière au Monténégro
* Geg du Nord-est - Nord-est de l’Albanie, bande frontalière au Monténégro et Kosovo
* Geg central - Centre de l’Albanie, avec les villes de Tiranë, Elbasan, Durrës et, l’Ouest de la Macédoine
* Geg du Sud(Ou dialectes de transition) - Frange au Sud du fleuve Shkumbini
* Arbënesh - Croatie (Arbanasi); d’autres enclaves fondées au XVIII° s. ont existé sur la côte dalmate et en Slavonie
* Tosk (du Nord) - Centre et Sud de l’Albanie, avec les villes de Berat, Korçë, Vlorë
* Lab - Sud de l’Albanie, autour de Gjirokastër
* Çam - Extrême Sud de l’Albanie et Épire
* Arbëresh - 70 villages d’Italie du Sud, enclaves formées au XV° s.
* Arvanítika - Nombreuses enclaves de Grèce, enclaves formées au XIII° s.
* Enclaves de Croatie (Zadar), Bulgarie, de Thrace (Grèce et Turquie) et d’Ukraine


Les plus anciens textes attestés respectivement dans les deux variétés sont :
* Geg (1462) : ''Formula e Pagëzimit'' (Formule du Baptême)
* Tosk (vers 1500) : ''Perikopeja e Ungjillit" (Leçon de l’Évangile)
En 1912, un système de transcription phonétique standardisé fut fourni à l’albanais à partir de l’alphabet latin.



Origines

L’albanais constituerait aujourd’hui, aux côtés de l’arménien, l’un des deux seuls vestiges du groupe thraco-illyrien ou daco-thrace. Mais ces deux langues étant géographiquement éloignées, il demeure difficile de les considérer vraiment comme appartenant à une même famille. 
Une grande quantité de mots albanais se retrouvent dans les fonds lexicaux des langues environnantes, principalement en serbe et surtout en roumain. Cette dernière possède en effet une bonne quantité de mots qui lui sont parvenus directement des Daces. Daces, Mésiens et Thraces étaient des peuples établis avant la conquête romaine des Balkans, sur les territoires actuels de la Roumanie et de la Bulgarie. Il semble que leurs langues aient appartenu à la même famille que celle de l'albanais, en raison des paralellismes qu'ont peut observer entre ces mots d'origine dace en roumain par exemple, et le lexique de l'albanais.

[à suivre...]


Zlang, 2004-2012

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